mardi 17 avril 2012

Il neige sur...Resisting the present, Mexico 2000/2012


Jonathan Hernandez et Pablo Sigg, Fémur de elefante mexicano, 2010, os et peinture à l'huile, exposition Resisting the present, Mexico 2000/2012

Flocon n'a pas écrit pendant deux mois et demi et la raison en est qu'il était très occupé. Pas de repos pour les flocons! Une exposition l'a empêché d'écrire sur d'autres évènements. En effet, le Mexique est à l'honneur au Musée d'art moderne de la ville de Paris. Pays en situation difficile actuellement, une vingtaine d'artistes viennent montrer leur point de vue sur leur pays à travers les travaux qu'ils ont réalisés ces dix dernières années. Utilisant tous les médias ( vidéos, sculptures, installations principalement), les oeuvres sont poignantes et révèlent les différents problèmes qui freinent le Mexique dans son développement : le trafic de drogue omniprésent avec la puissance des cartels, les relations conflictuelles avec les Etats-Unis, la violence. Participant à un projet pour être médiateur lors de deux nocturnes de cette exposition, le flocon a pu rencontrer certains artistes lors du montage comme Arturo Hernandez Alcazar, Bayrol Jiménez, Jorge Mendez Blake, Alejandro Jodorowski et Marcela Armas ainsi que les deux commissaires. Petite sélection spécialement pour vous  :

Arturo Hernandez Alcazar, Papalotes negros (Ave de Mal Agüero), 2010, cerfs-volants couverts de pigment "noir de fumée", fils de coton noir, pierres :

Lors de la Révolution mexicaine, les chefs des révolutionnaires indiquaient les lieux de réunion en accrochant des cerfs-volants au haut des bâtiments. C'est d'ailleurs pour cela que, pendant longtemps, les enfants n'eurent plus le droit de jouer avec des cerfs-volants. L'artiste voulait jouer avec ce symbole. Ces cerfs-volants teintés de noir annoncent la mort et sont ici vus comme des oiseaux de mauvais augure. Les pierres auxquelles ils sont attachés sont issues de l'effondrement d'un immeuble il y a quelques années en face de l'atelier de l'artiste. Belle oeuvre qui introduit l'exposition !

Bayrol Jiménez, Maldito, 2012, acrylique sur papier :

Cette oeuvre créée in situ est impressionnante par sa netteté d'exécution et sa finesse. L'artiste a été aidé par des assistants. Il raconte ici en mêlant histoire vraie et mythologie le récit du narcotrafic, de son origine à maintenant. Le dessin déborde sur le sol pour traverser la salle. L'artiste aime que le spectateur puisse marcher sur ses travaux et participer.

Jorge Mendès Blake, El castillo, 2008, mur de briques et un exemplaire du livre Le Château de Kafka :

Ce mur barre la première salle de sorte que le spectateur doit le contourner. L'artiste voulait que ce soit un véritable obstacle. Il a construit le mur sur un classique : Le Château de Kafka. Dans ce roman, le héros K. qui vient d'arriver dans un village essaye de rentrer en contact avec les autorités du village pour officialiser son statut d'arpenteur. Le château dans lequel se trouvent les fonctionnaires demeure inaccessible pour lui et il ne peut jamais y pénétrer. Le château est ici littéralement symbolisé par ce mur qui écrase le roman. On voit aussi que ce petit livre est capable de modifier la structure du mur. Si l'artiste avait fait monter le mur plus haut, il se serait effondré. Le pouvoir de la littérature serait-il aussi fort que cela?


 Gonzalo Lebrija, Pequeno Lamento, 2008, sculpture en céramique :

Un petit personnage de 70 cm environ s'appuie contre le mur derrière le mur de briques de Blake. Il est complètement caché par el castillo et se trouve littéralement face à un mur. Ces deux artistes n'ont pas travaillé ensemble mais l'association est intéressante. Cet homme est dans une impasse. Reflet de la situation de crise actuelle?


Ilan Lieberman, Nino perdido, 2005-2009, 100 dessins, graphite sur papier, loupes :

L'artiste a reproduit à la main, au crayon, des photos d'enfants disparus ou enlevés qui sont publiées tous les jours dans le journal à Mexico. L'enlèvement d'enfants lié au trafic de drogue est un vrai fléau au Mexique. Ces photos d'enfant qui sont banalisées sortent ainsi de l'anonymat. L'artiste remet comme dans le journal leur prénom, le lieu de leur disparition ainsi que la date et leur signe de reconnaissance.


Nicolas Pereda, Entrevista con la Tierra, 2008, vidéo couleur HD, 18' :

Ce film a des images magnifiques. Il raconte l'histoire de la mort de l'ami de deux petits garçons qui a glissé lors d'une promenade dans les montagnes. Les deux garçons sont frères et le plus petit n'accepte pas la mort de son ami et ne la comprend pas. Un film émouvant!


Natalia Almada, El Velador, 2011, film couleur HD, 72' :

Avec des plans longs et des images très belles esthétiquement, l'artiste montre la vie du velador, c'est-à-dire le veilleur de nuit, le gardien du cimetière le plus célèbre au Mexique, qui contient les tombes des plus gros trafiquants de drogue. Situé dans la ville de Juarez, il est constitué de véritables mausolées, petites maisons avec plusieurs pièces, contenant les tombes des plus gros truands. Leurs épouses, parfois très jeunes (eux-mêmes peuvent parfois mourir jeunes), viennent nettoyer régulièrement la "maison" de leur mari défunt. Parfois, des règlements de compte entre cartels a lieu le soir. Le veilleur de nuit observe et entretient le cimetière, silencieux. Film paisible malgré son sujet qui embarque dans une atmosphère bien étrange!


Marcela Armas, I-machinarius, 2008, pétrole, chaîne industrielle, système de lubrification, moteur :

L'artiste dessine avec une chaîne métallique qui tourne autour de boulons les frontières du Mexique inversées contre le mur. Du pétrole brut coule ainsi du Sud vers le Nord du pays vu que les frontières sont inversées. Elle a voulu montrer l'importance de l'industrie du pétrole qui fait marcher le pays et qui est un produit acheté par les Etats-Unis notamment. Le pétrole coule donc vers le Nord et vers les Etats-Unis. Une oeuvre frappante que l'on voit de loin!

L'oeuvre la plus marquante est sans conteste El Sicario, Room 164, film qui date de 2010 et a reçu un prix à la Mostra de Venise de la même année. Réalisé par Gianfranco Rosi, il montre un ancien tueur à gages raconter sur un cahier sa formation et son travail pour un cartel. Il a choisi de parler de son ancienne vie (il a arrêté mais est recherché par ses anciens patrons) dans la chambre d'hôtel où il a réalisé plusieurs tortures. Visage caché et voix modifiée, il décrit platement toutes les méthodes qu'il a pu employer pour faire souffrir et tuer enfin ses victimes. Ce film est très dur et révèle beaucoup de choses sur la corruption du gouvernement mexicain et le fonctionnement des cartels dans le pays. Impressionnant!

http://www.arte.tv/fr/3413406,CmC=3410818.html  : ce lien montre une interview du réalisateur qui explique la trame de son film. Quelques extraits sont aussi montrés.

Je ne peux maintenant que vous conseiller d'aller voir l'exposition  pour voir toutes les autres oeuvres. Le 3 mai, de 18h à 22h, l'exposition est gratuite pour tous les étudiants sur présentation de leur carte. Des médiateurs seront là pour discuter avec tous ceux qui le souhaitent et expliquer les oeuvres vu qu'ils ont pu rencontrer des artistes. Qui sait? Peut-être que vous croiserez un flocon !